1 – Quel a été votre parcours de vie ?
Le ski, c’est tout d’abord une histoire familiale.
J’ai grandi à La Toussuire, dans une famille de skieurs. Mes parents étaient tous les deux moniteurs de ski. Mon oncle, Jean-Pierre Augert (mort dans une avalanche juste avant ma naissance) et mon cousin, Jean-Noël Augert , faisaient du ski de compétition : membre de l’équipe de France des JO de Grenoble en 1968 pour l’un, champion du monde de slalom pour l’autre ...
C’est ma grand-mère qui m’a élevé, m’a initié au ski dès le plus jeune âge. Sa maison était remplie de photos de mon oncle, de Jean-Claude Killy.
Depuis tout petit, j’avais le rêve de devenir champion de ski…
Mais j’avais du mal à résister à la pression. Lors des entraînements, tout se passait bien. Dès que j’étais sous pression lors des championnats, mes résultats n’étaient pas toujours au rendez-vous, je n’arrivais pas à passer le cap des championnats du monde….
Et puis en 1999, je me blesse sérieusement aux deux genoux. Je reste 45 jours en fauteuil roulant. Là, tout le monde me « lâche » : la fédé, l’équipe,… tout le système…
Grosse remise en question et grande prise de conscience de ma difficulté à résister à la pression et du « monde virtuel » dans lequel j’évoluais…
Je commence alors à me responsabiliser, à prendre des décisions et notamment celle de travailler ma préparation mentale, ma concentration : yoga, qi qong, coaching,… Tout cela m’a donné des clés dont des choses très simples à mettre en place : check list, visualisation,… Il y clairement eu un avant et un après ma blessure.
En 2001, je reviens en équipe de France de ski et en 2002, je remporte le titre de champion Olympique de Slalom aux JO de Salt Lake City.
En 2006, après avoir remporté Kitzbuhel, je mets fin à ma carrière.
Je m’investis alors dans ma station de ski en développant 5 magasins d’articles de sport et des projets immobiliers . Je suis également consultant pour la chaîne Eurosport et je me suis aussi beaucoup investi dans la candidature d’Annecy aux JO 2018.
Actuellement, je suis responsable de l’antenne des Alpes de la société AKUO Energy, société française qui développe, finance, construit et exploite des centrales de production d’énergie renouvelable dans le monde entier – une société très intéressante de par son activité en lien avec le développement durable et l’impact sociétal, mais aussi de par son mode de fonctionnement qui favorise prise d’initiatives, autonomie et créativité.
2 – Quels parallèles faites-vous entre la façon dont vous avez conduit votre carrière de sportif de haut niveau et votre expérience entrepreneuriale ?
Le sport de haut niveau , c’est très incertain, les projections dans le futur sont difficiles à faire, car la prise de risque est énorme. On ne sait jamais si on va y arriver…
Il y a cependant un certain nombre d’éléments que j’ai mis en place et qui me sont utiles en tant qu’entrepreneur :
- Sécuriser le risque :
Après ma carrière de sportif de haut niveau pendant laquelle le risque était vraiment très élevé, j’ai ressenti un grand besoin de sécuriser mes choix d’où mes projets immobiliers, mon travail au sein d’Akuo Energy,…
Pour une entreprise, et de surcroît une start up, il faut absolument sécuriser la part « clients » en partant des besoins réels des clients et non en imposant ses produits et services. De même il est important de se financer de manière sécurisée : bonne capacité financière, autofinancement…
- Avoir un très haut niveau d’expertise, de la rigueur, un très haut niveau de qualité des produits ou des services.
- Avoir de très bons réseaux et savoir les utiliser :
L’histoire se construit avec le temps. Il faut aussi savoir apprendre des autres. Pour ma part, j’ai beaucoup appris des autres skieurs de haut niveau, des partenaires de l’équipe de France, de chefs d’entreprises que j’ai eu l’occasion de rencontrer. La transmission des connaissances et de l’expérience, c’est important.
- S’appuyer sur l’humain, les valeurs et sur la connaissance de soi :
C’est indispensable, même si ce n’est pas simple.... L’expérience et l’acquisition du coaching sont désormais pour moi comme un processus irréversible, qui me permet de mieux appréhender l’importance de l’humain dans la réussite, sur quelles forces je peux m’appuyer. Il faut aussi savoir s’entourer de compétences complémentaires.
- Le timing, le momentum : être prêt le jour J.
Dans une entreprise ou start up, c’est un peu pareil : il faut savoir être là au bon moment avec le bon produit / service.
3 – Il y a de nombreux sportifs de haut niveau qui se reconvertissent dans l’entrepreneuriat. Sont-ils mieux armés pour créer des entreprises et réussir ?
Je ne pense pas que les sportifs de haut niveau soient mieux armés que d’autres.
Ils ont certes des points forts, très utiles pour un entrepreneur, tels que :
- la prise de risque,
- l’engagement,
- une structuration par étapes pour atteindre l’objectif.
Mais ils ont aussi parfois des points faibles tels que le manque d’ouverture d’esprit, de culture à l’international ; ils n’ont pas de « vrai métier » et peuvent alors être moins performants…
Pour moi, un entrepreneur, pour réussir, doit :
- Etre très ouvert d’esprit et penser marché mondial,
- Avoir une vision à long terme , voire très long terme et être capable d’avancer step by step,
- Savoir travailler avec son réseau et de manière collaborative,
- S’inspirer de personnes qui ont réussi et connaître aussi leur histoire,
- Mettre l’humain au cœur de l’organisation.
4 – Quel regard portez-vous sur l’écosystème des start up ?
J’ai une vision assez partagée, voire parfois dégradée de l’écosystème des start up.
Comme si c’était un effet de mode… et une course effrénée aux levées de fonds.
J’ai souvent l’impression que les vraies questions ne sont pas posées : la question du WHY et des besoins des clients.
Le risque est que le produit ou le service offert ne serve à rien, ne corresponde à aucun besoin et contribue à un monde surfait, virtuel, à de la surconsommation…
Et puis je trouve dommage que trop souvent , les start up ne parlent pas de leurs valeurs, de la place de l’humain dans leur organisation, de leurs actions en faveur de la durabilité, de leur vision à long terme et notamment de leur impact sur les générations futures.
5 – Si vous aviez 3 conseils à donner à des créateurs d’entreprise , quels seraient-ils ?
1 – Le WHY :
Réfléchir en priorité à son WHY : est- ce que je réponds à un besoin sur le long terme, voire sur le très long terme ? Il est important d’inscrire son activité dans la durée.
2 – l’HUMAIN :
Considérer l’humain comme central, comme une vraie dynamique, une source de créativité.
3 – Le LIEU :
S’ancrer dans un lieu, c’est aussi important, comme une sorte d’ancrage de l’histoire de l’entreprise.
J’aime bien citer une phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».