Ils nous inspirent

Père Eric SALOBIR

Père Éric, dans les travaux de recherche d’OPTIC apparaît souvent la notion « d’ethic by design », de quoi s’agit-il ?

Ce concept s’inspire de celui de « Safety by design », qui consiste à penser une technologie en identifiant dès le début les failles de sécurité possibles plutôt que de « mettre des rustines » ultérieurement pour colmater les défauts.

L’Ethic by design conduit, au lancement d’une innovation, à s’interroger sur ses enjeux éthiques à trois niveaux :

  • La technologie elle-même : respecte-t-elle la vie privée des gens, est-elle sécurisée, transparente, accessible au plus grand nombre ?
  • L’humain: l’innovation respecte-t-elle l’humain et l’homme, a-t-elle un impact positif sur la société ; comment la chaîne de valeur se répartit-elle entre fournisseurs, clients et entreprise ; le management est-il vertueux ?
  • La planète: nombre de technologies qui semblent propres et épurées sont plus polluantes qu’il n’y paraît, consommant de l’énergie, des ressources rares, et leur recyclage est parfois difficile (cas des batteries des voitures électriques).

Il faut à chaque fois se poser la question de l’utilité et du sens de cette innovation : est-il nécessaire par exemple qu’un centre de domotique gère l’allumage des lumières et la fermeture des volets de votre maison à votre place ? Par contre, utiliser la blockchain pour mieux répartir la consommation d’énergie au sein d’un immeuble en fonction des besoins de chaque occupant a du sens …

 Vous mettez la barre haut ! Est-elle accessible à des start-up qui doivent déjà se battre pour exister et se développer dans un milieu concurrentiel ?

Les start-up doivent comprendre que l’éthique et le profit, qui est naturellement leur priorité, ne s’opposent pas. Leurs clients sont de plus en plus sensibles à l’éthique, on voit par exemple que 50% des gens sont prêts à payer plus pour avoir du « Made in France ». Pour développer sa rentabilité, une entreprise doit s’inscrire aujourd’hui dans une approche soutenable à tous points de vue – technique, humain et environnemental. C’est un gage de fierté pour ses clients – et quelle meilleure communication que des clients heureux ?

Evidemment il y a quelques rares créateurs d’entreprise qui ont une vision à court terme et qui veulent gagner un maximum d’argent de manière rapide ; mais pour ceux qui veulent durer longtemps, l’éthique portera ses fruits.

Je ne dis pas que tout doit être fait de manière vertueuse à la naissance-même de la start-up. Mais il faut s’assurer que les éléments-clé sont là : le « game changer » doit vérifier que ce qu’il met en place est sain, sinon cela se retournera contre lui.

Il y a un gros travail de formation à faire sur le sujet, cela devient urgent – il n’y a pas beaucoup de cours d’éthique de la technologie dans les écoles d’ingénieurs !

Les grandes entreprises commencent vraiment à réfléchir à la place de l’éthique chez elles. Cela peut être déstabilisant pour les équipes, et c’est pour cela qu’il faut les accompagner. Le but n’est pas de porter un jugement sur ce qui a été fait avant mais d’aller de l’avant, en repensant les process sous un angle plus éthique …

Quelle est votre vision de l’écosystème des start-up ?

La bulle des start-up éclatera probablement dans les 5 ans à venir, le marché discriminera ce qui est sur-valorisé de ce qui est utile et apportera les corrections nécessaires. Cela ne doit pas décourager les entrepreneurs !

Par ailleurs, l’écosystème dans lequel ils gravitent (incubateurs, accompagnateurs en tous genres) se nourrit aujourd’hui un peu de lui-même et doit être repensé vraiment au service des entrepreneurs.

 

Je suis cependant heureux de voir émerger une vraie culture de l’entrepreneuriat dans notre vieille Europe, les jeunes diplômés ne se projettent plus uniquement dans les grands groupes ; contribuer à l’économie leur semble positif. L’échec n’est plus dramatique, il prouve qu’on a essayé. Ces jeunes prennent en main leur avenir économique et notre avenir sociétal, ils ont de belles valeurs et le sens de la responsabilité des entreprises.